FEU - poèmes jaunes 📖
Ceci n’est pas un recueil.
Ceci est
un cocktail de rĂŞves Molotov,
un pavé jeté au milieu d’y-en-a-marre,
un poème de désencerclement,
un soleil au rond-point de notre nuit.
Il tient dans la main,
il tient dans la poche,
il tient dans nos cœurs.
Passez le de main en main,
passez le sous le manteau,
passez le par les armes s’il le faut.
Manipuler avec précautions – Objet explosif 💥
Se munir d’un extincteur – Objet inflammable 🔥
A porter avec conscience – Objet politique 🍒
NB : Seulement 400 ex. sur le marché noir de nos insomnies aux éditions Le Temps des cerises collection le Merle Moqueur
FEU - comme symbole des ronds-points où tout a commencé.
FEU - comme l’âtre auprès duquel on se réunit, on se serre, on se réchauffe, on partage, on fait fraternité, on fait corps pour ne plus avoir froid, pour ne plus être seul.e, pour ne plus avoir peur de la nuit autour.
FEU - comme un lieu de rencontre d’humain.e.s citoyen.ne.s où l’on reparle comme avant, on échange simplement, où l’on démystifie la langue des maîtres, on pose des mots sur le réel, on réfléchit la société, on théorise, on organise, on milite, on planifie et on construit un avenir meilleur.
FEU - comme la joie, comme l’énergie, comme la force, comme la folie, comme la lumière, comme l’espoir, comme l’utopie qui ont animé et animent encore les Gilets Jaunes.
FEU - de tout bois en souvenir de nos fêtes de village, de nos colonies de vacances, de nos campings à la campagne, de nos cabanes sauvages, de nos rêves d’enfants. Un hommage à la liberté retrouvée.
FEU - comme un phare dans la tempête de nos vies que l’on perçoit de loin, comme un repère, comme une bouée, comme un lieu de ralliement, comme le sentiment d’exister et d’être vu.e.s, enfin.
FEU - comme un cri de fête, un cri d’étonnement, un cri de colère, un cri de peur, comme un slogan lancé à la volée.
FEU - comme l’ordre donné de tirer sur la foule en liesse, comme les salves des grenadiers au-dessus du peuple, comme la mitraille sur le champ de bataille, comme la fusillade par-delà les ruelles, comme la rafale au mur des condamné.e.s.
FEU - comme des tirs de flash-ball, de LBD40, d’OFF1, de GLIF4, de GMD, de DMD, de GM2L ou de lacrymogènes, et leurs poumons suffoqués, leurs yeux éborgnés, leurs mains amputées, leurs visages fracassés, leurs peaux brûlées, leurs bleus et leurs plaies, leurs corps mutilés, leurs âmes dévastées, leurs vies sacrifiées, des citoyen.ne.s assassiné.e.s.
FEU - d’artifice, de Bengale, de cocktail ou de barricade, comme la colère de ne pas être entendu.e, comme la rage d’être humilié.e, comme la violence de la répression, comme la dévastation de n’avoir plus rien à perdre, comme l’embrasement d’une juste révolte.
FEU - comme tir de barrage face aux oppresseurs, comme réplique du beau face à l’horreur, comme salve de mots face à l’indicible, comme bordée de poésie face à la peur, comme une insurrection.
FEU - pour dire notre vérité et la dire en poète et poétesse, pour consoler nos blessé.e.s, pour ancrer notre mémoire, pour porter nos voix, pour nous libérer de la colère, pour tisonner la braise de l’indignation et ne plus jamais accepter l’insoutenable.
FEU - rebelle et Jaune, comme le soleil.
Passage à l’acte
Alors
la France des samedis
les Jaunes de l'automne
les brumes suffocantes
les matraques
jusqu’à la nuit
partout
tout le temps
la France des samedis
les Jaunes de l'automne
les brumes suffocantes
et le massacre
jusqu’à l’ennui
partout oĂą rodent
les gardiens de la peur
règne le crépuscule
de la terreur
Le Jaune de l’automne
Aux croisées des routes la meute
déploie ses ailes noires
Dans les brumes larmoyantes inspirer
le déclin de novembre
Expirer puis
attendre
Laisser se blottir son espoir
au ventre battant de la colline
allongée là -bas
LIBERTÉ
il nous faudra la gravir
de nouveau
Garder gravés sur nos rétines
ce fond de ciel
jaune fluo sous ce soleil
effronté
embrasé de sa chevelure
de Bengale rouge
Dans ces flammes de fin de règne
s'Ă©tonner de rĂŞver encore
aux lendemains qui chantent
Et ces vains corbeaux
qui croassent qui crient et qui crèvent
le bleu du ciel élyséen
en faisant tournoyer les peurs
ne pourront plus nous en arracher le désir
La nuit sombre
avec Jupiter à l’horizon
BientĂ´t il fera jour
Ă nouveau
Place de l'Etoile
Pauvres frères d'humanité
jaunes noirs bleus
fracassés
les uns contre les autres
tous enfumés
tous épuisés
pour sauver le RĂ©gime
Un samedi
comme tant d’autres
d’affrontements dans la froidure
automnale
sans savoir qu’il n’y aura aucun vainqueur
au pied de l’Arc de leurs triomphes
Pourtant un hélicoptère angoissé ronronne
dans les jardins de l'Elysée
et les glaçons tremblent dans le whisky
d’un président
des riches
prêts à tout céder à la peur
avant de fuir comme des rats
par les Ă©gouts
À la télé votre révolte
étouffée in extremis
Pauvres frères d'humanité
combien de jours
combien de blessés
combien de morts
avant de déterrer sur cette esplanade
de vos mains réunifiées
votre bonne Etoile
Ici dort
un soldat inconnu
qui ne rĂŞve plus
que d’une étincelle
Un président
Ce soir un président a parlé
Pourtant
au flanc du jardin
mon doux ruisseau
furibond bondit et gronde
de plus belle
dévale et creuse les Champs
d’espoir
Ciel sombre sur notre patrie
en cette partie du monde oĂą
les orages insolents
se moquent bien des puissants
qu’ils s’amusent à faire claquer des dents
À la résurgence
mettre nos bras Ă nu
aller puiser aux tréfonds du courage
reverser dans nos veines
les larmes et le sang des mutilés
et offrir à nos frères
cette indignation diluvienne
seule capable de porter
loin
l’âme d’un peuple grégaire
et résigné
n’osant plus depuis longtemps
s’abreuver de dignité
de liberté
de justice
et d’équité
Ce soir le ciel a grondé
UTOPIE
Sur les plaines de France
L’automne éventré
par le froid de l’hiver
suinte de ce terreau fertile
oĂą germent les asticots
du vent et de la misère
Les larves jaunies inoculées
serpentent
rampent
puis s’élèvent
et tourbillonnent
toutes ces petites mouches jaunes
qui tempĂŞtent et troublionnent
mine de rien
agacent bien les gardiens
des nouveaux temples
Et dans les prés bien gras de la consommation
au petit matin
ou à la tombée de nos nuits
elles entraineront les troupeaux de labeur
sur les sentiers du printemps
La ligne Jaune
À François Boulo
De l’automne au printemps
il nous faudra garder
comme un arc au cœur
notre corde jaune tendue
pour traverser unis
le gouffre de l’hiver
et foudroyer au-delĂ
la cible de notre espérance
Soleil Jaune
Toute la journée
des enfants fluorescents
ont joué à cache-cache
en cavalant au travers des rues
et des allées
La capitale
recrache maintenant
de ses bouches métronomes
leurs nuées lacrymogènes
Des hauts de Beaubourg
Paris sieste encore
appesantie lĂ Ă©ternelle
bourgeoise ronronnante
rebelle résignée
chatte de plomb
aux griffes élimées
au dos d’ardoises
ondoyant lascivement
dans les halos fumigènes
de la pollution
Au-delà de l’espace de la ville
un soleil Jaune indocile
joue encore
inspire
et danse
en marquant le temps
de part et d’autre
de la tour de France
Les oiseaux de la liberté
Ă€ Banksy
Peuple de migrateurs
à présent pauvres
et pâles voyageurs
Ă©chassier des samedis
aux pérégrinations empêchées
proies de brume
offertes aux chasseurs de liberté
tes colonies dépareillées
finissent toujours par se poser
aux palissades acérées des préfectures
pour ensuite s’éparpiller
aux salves des grenadiers
BientĂ´t le grand dessinateur des rues
embellira tes jaunes
de vermeil
d’ivoire
et d’émeraude
pour que tu puisses submerger
de ces couleurs terribles
toutes les nuées d’ombres
en travers de tes routes
Au crépuscule jaune et cerise
Au front
des Ă©borgneurs de soleils
au nez
des chiens médiatiques
au mépris
des appelants de pénombre
quelques oiseaux
encore
incandescents de liberté
fraternisent au ciel
s’unissent dans la nuée
font battre en nous
le souffle
de la révolte
et vibrer la corde élimée
de l'espoir
des jours heureux
Quand ils ont tiré
Quand ils ont éborgné la jeunesse grise des banlieues
des lycées ou des stades
je n’ai rien entendu ou plutôt si
juste le poc sec d’un coup
de lanceur punisher
parfois bien mérité
Je n’étais plus jeune depuis tant d’années
Quand ils ont fait exploser des écolos sur les zones à défendre
je n’ai rien vu ou plutôt si
le retour Ă un ordre juste
des choses de la Nature
pour l’épanouissement des aéroports
et des barrages
J’avais déjà mon jardinet bio sur le balcon
Quand ils ont continué à désencercler les syndicalistes
dans les usines et les manifs
je n’ai rien dit ou plutôt si
vive la fin de la lutte des classes
la mort
du prolétariat
et de l’assistanat
J’étais parvenu en self made man dans la start-up nation
Quand ils ont massacré ces gueux de Gilets Jaunes
puis tué Zineb et Steve
je n’ai pas bronché ou plutôt si
j’ai ri aux éclats
de leurs corps éclatés
et si vulgairement maquillés
de rouge sang sur le fluo
Je n’étais pas drapeau jaune mais foulard rouge
Quand ils ont arrêté de simples citoyens des journalistes
et puis Julian
je n’ai rien hurlé ou plutôt si
des tweets des posts
des likes
sur la toile indigo
la gorge asséchée
Je désaltérais mon anxiété sur les chaines d’infos sponsorisées
Quand ils ont tiré sur l’ambulance et les pompiers
je n’ai pas réagi mais j’ai soudain compris
qu’on avait déjà basculé
depuis tant années
À présent si je tremble face à cet écran
cyclope qui me surveille
inlassablement
c’est que je perçois dans ma rue
des ombres
qui viendront bientĂ´t
Ă mon tour me chercher
et plus personne ne sera lĂ
pour les en empĂŞcher
JE SUIS
SEUL
La poésie des samedis
Aux Gilets Jaunes bisontins et Ă Fred Vuillaume
Je suis venu
J’ai vu
Des matins mornes de plaine
brouillards lacrymogènes
troupeaux fumigènes
Des skieurs hors piste manifestant tout schuss
lunettes de piscine sur le nez
gilets jaunes flambant neuf au vent
Des parfums d’herbes de Provence
subtilement entremêlées
à ceux du musc et des phéromones
Des brasiers sur les ronds-points
véritables soleils
dans la nuit de notre société
Des pieds-bots clopin-clopant
le courage serré entre les dents
le long de la grande Boucle
Des crânes sanguinolents
sous l’acharnement de la pluie drue
des matraques de l’hiver
Des tricolores français
faisant déferler dans les rues
la liberté, la fraternité et l’égalité
Des lions comtois déterminés
ne capitulant devant personne
ni les ducs, ni le roi
Des hauts cris, des hauts cœurs
chantant dans les ruelles
comme un air de démission
D’anciens soixante-huitards
venant flairer
le souffle des barricades
Des jeunes et des vieux
portant sur leurs banderoles
les mots de la solidarité
Des jaunes et des bleus
se jetant Ă la figure
leurs peurs et leurs espoirs
Des rĂŞves de jours meilleurs
aux nuages des façades bleues
en pierre de forĂŞt
Des espoirs de lendemains heureux
d’aurore jaunissante
inondant partout les rues de la ville
Des soirs Ă©blouissants de 14 juillet
feux d’artifice policiers face
aux troupes de Bengale dansant les pavés
Je suis venu
j’ai vu
et vous aviez déjà vaincu
A suivre...
Ce recueil est un livre solidaire : les droits d’auteur seront reversés intégralement au Collectif les Mutilés pour l’Exemple.
12 € (frais de port compris) à commander
- soit par courrier au : Merle moqueur - 38, rue des Sept-Arpents - 93500 Pantin (avec votre règlement par chèque)
- soit par le site du Temps des cerises : https://www.letempsdescerises.net/?product=feu