Le congrès (cartes postales) 🚧
Quelques souvenirs de mes pérégrinations universitaires de part la France et le monde...
A suivre...
Auckland
Société Australasienne de Neurochirurgie
Sept. 2015
Retourner le monde
On inaugure le voyage pathologique
On commence fort le voyage initiatique
On voit en grand très grand
tout autour de la terre
Besançon-Auckland peut-on vraiment
s’en voler plus loin
Je veux dire plus loin de soi
plus loin de toi
plus loin de ce nous qui s’effrite
Sous le vernis de la Réussite
la rouille du temps qui saborde tout
a fait savamment son travail de sape
à l’insu de cet amour
à l’insu de tes rêves
Déjà la Sicile
un volcan qui couve
la méditerranée
une mer de noyés
puis les déserts de sable
au ventre de la dépressurisation
qui étreint qui aspire qui suffoque
Une escale finale
avec soi-même
une semaine
Ô solitudes salutaires
à errer sur les quais du port et regarder les voiliers rejoindre le large
à rêver pour soi aussi d’un nouvel équipage
Le poison est ancré dans le fruit
à présent
Schizophrénie des sentiments
Le retour
Le banquet
Ce fut vraiment une très belle soirée
mondaine
comme On les aime
tout en bienséance et retenue so british
Un couple jouait sur une scène
un blues mélancolique
et tout le monde restait fasciné
par la blonde ondulation
de la voix et des lèvres rouges
Gibson noire
J’emporterai
la gravure argenté
de ça
aux rétines de mes tympans
Puis le repas alcoolisant
pour désamarrer les langues
et les ambitions
de gloire éphémère
Certains téméraires
se seront même risqués
sur la pente d’une histoire drôle ou
sur la piste d’un rock ‘n roll endiablé
On rira on suera on vivra on s’oubliera
un temps
jusqu’à ce qu’un cab sombre
nous raccompagne main dans la main
au Langham Hotel
Les quais bleus
Une île géante
offrant
de ses paumes tectoniques
Auckland
à la mer
Une forêt de mats à perte de vue
mats blancs aux cliquetis du port
mats de bois de palme dans les parcs de la ville
mats des lampadaires aux quais des avenues
mats noir argenté titanesques des buildings
Cordages téléphoniques
bouches d’aération
cheminées d’évacuation
piétons disciplinés et affairés accastillant
les pontons des trottoirs
Au dessus de nos têtes
des voiles blanches et grises
qui claquent sec jusqu’au plafond du ciel
gonflées par le vent de sud et
les ondées de septembre
La Sky Tower
comme une vigie
sondant l’horizon de l’océan
pour moissonner le chant des baleines
Et la ville
sur le qui vive
toute entière
prête à appareiller
EANS Venise 2017
Île de Lido
Une île
De riches retraités italiens
Se frayant un chemin
Parmi les touristes en goguette
Et les congressistes désœuvrés.
Il est là, attablé,
Tel le seigneur des lieux
Qui dévisage sa maîtresse,
Sous le soleil, bronzé et ridé, et fier
Comme le drapeau au frontispice de ses mocassins
Et l’étendard rouge à la poche de son costard.
A l’image de cette île,
A la gloire déjà passée,
Et ses canaux vides qui mènent au Lion d’Or,
Et ses terrasses décrépies aux immeubles bourgeois,
Et ses yachts indécents sommeillant dans la baie,
Face à Venise.
Plus loin,
Une mouette vole
Sur la mer vert d’eau
Et se brise aux clochers blancs
Des murailles ocre.
Puis des cimetières marins de vélos multicolores,
Des feuilles d’érables mêlés aux grenadiers,
Des chants d’oiseaux enchantés dans les branches.
Au-delà,
Un réfugié noir, vomi par la méditerranée,
Fait la mendicité et des cauchemars
Comme les poubelles
Au pied des HLM flottants et insomniaques.
Oct 2017
Le dîner stéréotaxique
Moi,
En terrasse,
En ma propre compagnie
Peu désirable.
A mon habitude.
Je bois mon amertume
Dans ma solitude de houblon,
En admirant
Le jour gris qui décline,
Triste
Et embrumé,
Sur les eaux précieuses
De la baie de Venise.
Lui,
Il préférera son rendez-vous
Stéréotaxique.
Il lui faudra prendre la vedette
Entre Lido et Venise,
Faire la traversée nocturne
- 100 km/h -
En jouant deux fois sa vie
Au slalom des pieux
Hérissés sur la mer
- 1 tous les 5m -
Et comme prévu,
Après un flot de perfusions
Apéritives anesthésiantes,
- 132 cl -
Se faire encadrer par son Leksellence
- 4 pointes enfoncées de 1 mm sur son crâne -
Puis sur la durée du repas,
Recevoir dans le ciboulot
Une irradiation de
- 25 Gy -
De paroles insignifiantes
Et œnoliques
A l’isodose marginale
- 70% -
Résultat thérapeutique atteint:
Oblitération de la pensée.
Le lendemain,
Gros mal de tête.
Oct 2017
Humanité déconnectée
Aéroport de Venise.
Va et viens
D’humains voyageurs,
Ensembles et solitaires.
On mange frénétiquement
Tels des hamsters boulimiques
A la biologie déréglée
Dans le laboratoire mondialisé
De l’industrie agro-alimentaire.
On regarde les télés
Accrochées partout.
Homo sapiens,
Idiot utile du show télévisuel,
Acteur de sa propre futilité
Dans sa propre téléréalité.
Course aux vanités.
Où est la fraternité ?
Se prendre dans les bras,
Se serrer,
S’aimer.
Et, qu’ont à raconter les mains tordues
De cet homme,
Travailleur manuel assidu ?
Et la bonté de ses yeux ?
Qu’a à révéler le regard vide
De cette femme,
Veuve en voyage
Avec son amant imaginaire ?
Les tables se remplissent.
Devant moi, une fille seule.
Vais-je lui parler si elle lève son regard?
Elle se réfugie dans son livre,
Une amie arrive, divorcée ?
Mes frères et sœurs humaines.
Avec leurs tics,
Et leurs tocs,
Leurs tracs et leur fric,
Leurs petits travers,
Et leurs fragilités.
Je vois l’enfant en eux,
A la dissonance de leur allure
Trop assurée ou mal-à-l’aise,
Au reflet de leurs yeux
Tristes ou rieurs,
Rivés aux écrans.
Individualités connectées.
Humanité déconnectée.
Quand une enfant leucémique passe,
Blanche, chauve, fantomatique,
Au dessus du sol.
Puis s’évanouit.
Toi, dis leur
Le chemin !
Dis leur la fin…
On mange encore
Car il faut oublier
Le départ.
Le stress du départ.
La peur du dernier départ.
Sur ces vols
Opérés par l’angoisse,
Affrétés par l’incertitude,
La fugace prise de conscience
De sa finitude.
Oct 2017
SFNC Grenoble 2018
Arrivée à Grenoble
Par delà les fenêtres du train,
On sillonne, paisible, au travers des près vert pâle
D’une vallée luisante sous un tiède soleil de mars.
Progressivement,
Le décor s’assombri,
Tandis que le relief s’amplifie.
Surgit alors par vagues
La terre plissée,
Anthracite dos de shar-peï carbonisé.
Aux plaques stratifiées,
Arrachées des entrailles de la terre
Et dispersées comme de vulgaires mille-feuilles
Mal découpés par la lame sismique ;
Aux à-pics acérés
Où vont s’empaler les oiseaux de proie ;
Aux parois noires
Où vont dévisser les cordées d’alpinistes ;
Aux falaises aiguisées
0ù s’égorgent les désespérés ;
Aux failles sans fond
Où disparaissent les oubliés ;
A l’écho exponentiel
Des secousses tectoniques
Amplifié au cratère de la ville ;
Elle s’immisce en nous,
Sournoisement,
La menace tellurique.
Elle est là,
Qui nous encercle et qui nous guette.
Partout.
On ravale alors sa salive.
Elle a déjà un goût de cendres.
Mars 2018
L’auditorium
Là, dans cette assemblée recueillie
Entouré de ces pairs-dieux
Religieusement assis,
Blafards, gris et fatigués,
Je pris conscience.
Je n’étais peut-être pas seul,
A ruminer la liste innombrable des choses à faire
Stockée dans les bajoues de ma mémoire.
Je n’étais peut-être pas seul,
A charrier la montagne des strates administratives
Empilées au sommet de mon crâne.
Je n’étais peut-être pas seul,
A subir la lente déformation de ma belle vocation
Scoliosée autour de ma moelle épinière.
Je n’étais peut-être pas seul,
A plier sous le poids écrasant de réformes systémiques
Appliquées à la charnière de mon bassin.
Je n’étais peut-être pas seul,
A ravaler ce sentiment de trahison et de colère
Etranglé au fond de ma gorge.
Je n’étais peut-être pas seul,
A glisser sur cette pente avide, savonnée
Le long de mon œsophage.
Je n’étais peut-être pas seul,
A agréger cette culture insensée du chiffre
En calculs amers au fond de ma vésicule.
Je n’étais peut-être pas seul,
A arroser d’acide noir cette jolie fleur de stress
Ulcérée à la paroi de mon estomac.
Je n’étais peut-être pas seul,
A me tordre sous ma péristaltique consomption
Vitriolée au long de mon intestin grêle.
Je n’étais peut-être pas seul,
A suffoquer dans le sang des ailes de ma passion
Cloutées au cœur de ma cage thoracique.
Je n’étais peut-être pas seul,
A garder le tannin de mes nuits scialytiques
Imprégné sur ma face lunaire.
Je n’étais peut-être pas seul,
A rêvasser parfois aux bienfaits des gaz éthérés
Soufflés aux veines de ma lassitude.
Je n’étais peut-être pas seul,
A vieillir et mourir sous le masque du silence
Cicatrisé aux rides de mon visage.
Et chacun de nous,
Les mains réunies,
Pensait un peu à ceux
Qui nous avaient quittés
Brutalement.
Mars 2018
DIU NC-vasculaire Amiens
Mai 2018
La femme sans tête
Ici, on traverse
La rivière et le pont
De la femme sans tête.
Et les éoliennes
Sanguinolentes
Sous le soleil couchant,
Tournent encore
En ricanant.
Au loin, au dessus de la mer
Tout au bout de l’autoroute,
D’immenses volutes de fumées blanches
Splendides, chargées, ascensionnelles
Emplissent l’horizon,
Comme si on avait mis la Manche entière à bouillir
Pour faire une soupe géante de poissons et d’algues.
Puis,
Quelqu’un a reposé le couvercle
De la soupière.
Tout s’est soudain accumulé,
Le plafond s’est obscurci
Et le bouillonnement de l’eau
S’est fait plus violent,
Frappant et résonnant aux parois de métal.
Un claquement d’orage
Creva l’outre du ciel, et
Un mur d’eau
S’abattit alors
Transformant la route en fleuve
Qui nous traina
Irrésistiblement
Vers le grand large.
Pendant ce temps là,
Dans la rivière de la femme sans tête
Gonflée de ses os,
Le sang s’est dilué
Dans la glaise brune
Des berges
Et de ses yeux.
Au laboratoire d’anatomie
Les têtes
Nous attendent,
Heureuses
D'offrir leur science.
EANS
Section Vasculaire
Nice 2018
Euroairport (Bâle-Mulhouse-Nice)
Une femme blond pâle parle
devant moi, qui suis invisible
derrière la vitre sans teint
de mes lunettes noires.
« Ici, (en Suisse)
tu es tout de suite catalogué.
On ne t’apprécie pas
pour ce que tu es vraiment
médecin, PDG… »
Et j’entends
qu’elle voudrait être respectée
comme la petite bourgeoise
qu’elle est,
avec son faux sac de marque
pendu au bras
de sa robe en toile de jute
rose poudré.
Puis,
une autre immisce
subrepticement
sa corpulence dans la file
entre nous.
Heureusement
aujourd’hui,
je ne suis pas pressé.
Stoïque alors, je la laisse
à cette petite conquête
sur son angoisse
d’embarquement.
Sur le tarmac,
trois garçons de pistes
rigolent,
bien heureux,
de rester
sur le plancher des deux vaches.
Nice
Est une de ces villes,
où l’on peut déambuler
en bikini
dans les rues
sans éveiller
la lubricité des passants,
Est une de ces villes,
où, s’il on n’est pas
vieux
et enluminés d’or,
il ne fait pas bon avoir
la peau bronzée.
Est une de ces villes,
où un simple marchand
de panneaux
peut faire fortune.
avec « I love Nice »
projeté aux balustrades
ensanglantées,
Est une de ces villes,
où des yeux
pendus partout,
inquisiteurs et noirs,
scrutent et percent
chaque recoin
de votre intimité,
Est une de ces villes,
où les carrelages
de faïence
riches et colorés
des maisons bourgeoises
paradent à même
les façades,
Est une de ces villes,
où l’on n’aime plus
l’anglais
qui se baladait,
paisible,
sur la promenade
des Anglais.
Est une de ces villes
où le temps et le vent
s’arrêtent
main dans la main
pour contempler
la mer
allongée sous le soleil
turquoise,
Est une de ces villes,
où la lune brille
toujours plus haut
dans le ciel
de celui qui vit, dort et meurt
sur le trottoir,
Est une de ces villes,
où les lucioles
rouges et blanches
des avions incessants
ont remplacé
les étoiles filantes.
Est une de ces villes,
où les palmiers
rêvent désespérément
d’îles désertes
dans la langueur
de leur insomnie verte,
Est une de ces villes,
où la houle venue
du Sud,
roulera dans vos draps
et fera grincer,
la coque de l’hôtel
pendant trois nuits.
La section vasculaire
Quel magnifique nom
Que celui de ce réseau européen
De saigneurs
En série.
Ils passeront deux jours
A s’autocongratuler
Ou à conjecturer
Sur la façon la plus héroïque
De réparer
Les artères du cerveau
De leurs victimes.
Se faisant,
Ils en oublieront pourtant l’essentiel :
Le cœur.
Là,
Qui flamboie
Dans les turbulations
Translucides
D’un anévrisme,
Là,
Qui rythme
De pulsations
Jumelles
Les carotides au cou,
Là,
Qui attise
La soif
De résurrection
D’un hémisphère asséché,
Là,
Qui jaillit
Dans la déflagration
Impromptue
D’un nidus artério-veineux,
Là,
Qui bat dans le noir
Des pupilles,
De l’être allongé
Qui vous confie
Sa tête.
Ce cœur,
Dans notre thorax,
Qui accélère et dilate
Son jet de courage,
Pour que nos doigts,
Au bout de la pince,
Puissent libérer
Enfin
Le clip ou le fil.
Ce cœur, aussi
Qui saigne,
Caillote,
Et meurt,
Un peu plus
A chaque issue
Désillusoire.
Ce cœur,
Humain
Qui vibre
Là,
Rouge
Et chaud
Au creux
De nos mains
Blanches.