La vierge au loup (thriller poétique) 📖
Peinture: Yan Pei Ming
« Chasser le surnaturel, il revient à pas de loup. »
Serge Beucler
(le récit d’un psychopathe)
Psaume I
« Fou celui qui fait entrer le loup dans sa bergerie. »
25 décembre
La vérité
comme un foret brûlant
sur la tempe du Temps
Tenancier au crâne supplicié
et à la bouche vermeille
libérée par le sang
d’avoir tout révélé enfin
Ce temps d’avant
sordide
Mère patrie de mon âme
à son corps défendant
Le sacrifice de l’usine Nord
sur l’autel du capitalisme sauvage
Devenir serveuse à l’Eurodancing
cette bergerie croupissant
sous l’épaisseur de brume
à la croisée de Geffroy et Verdun
Dans la crasse de l’humanité
servir de blonde
de brune
ou de rousse
au zinc des perversions lubriques
des loups
prédateurs de passage
sales petits spéculateurs de commerce
Un plateau d’argent
pour offrir son corps
de brebis tremblante
à la bedonnance des verges mercantiles
dans les arrières salles pisseuses
Vierge
Primordiale et souillée
Brebis
Berger
bergerie
proies des flammes
Psaume II
« En chaque homme qui naît, un loup qui s’éveille. »
Instinct de vie
Une nuit
de malédiction
germinaison de ma carcasse
Le suprême Inconnu présidant à ma destinée
Une graine de vermine
au giratoire fangeux
de la Vierge Primordiale
Pousser là
sous les charges du monstre
malgré les vapeurs d’éther
dans mon bain de vitriol
Fleur de meurtrissure
rampante
noire et
messianique
viciée par la racine ombilicale
Déchirer
le tertre de sa vulve
pour éclore
aux yeux de votre monde
horrifié
Laid
et vil
dès le premier jour
Arraché au creuset du putride
La forge du Mal
Instinct de survie
Psaume III
« Brebis pour les loups, vierges pour les hommes. »
Lui le père
inconnu Suprême
interdiction de le savoir
Dans une chambre d’à côté Minotaure
mâle supplétif
et elle pos-sé-dée
La frénésie
à ma mémoire enflammée
poubelle de cauchemars sans fond
où continuer de percevoir ses cris étouffés
Elle la mère
la Vierge Primordiale
mon adorée
ma vénérée
Moi son rejeton rejeté
Du chaos de ses yeux argentés
tranchants égarés sur mon crâne nu
le jaillissement
d’ailes noires de griffes de becs
nuées de corbeaux enragés
Ma délectation de cette haine
soutenue et sombre
comme d’une attention malsaine
En être le seul digne Devenir l‘élu
Au secret de mon repli de soi
lui vouer
l’Amour invincible indicible
Jusqu’à ce que mort s’en suive
Psaume IV
« De la soutane du berger, souvent dépasse queue de loup. »
Enfant
des rues
Petit déjà
pas assez joli
pas assez propre
pas assez futé
pas assez gentil
pas assez respectueux
pas assez ca-tho-lique pour ma Vierge Primordiale
Chaque semaine s’infliger la repentance
Notre Dame de la Nativité
dressée devant moi pal sombre planté
au ciel de ma mémoire
Couinement de la lourde porte en chêne
claquement sec sur ma raison
écho indélébile sur les parois glacées
Il m’attendait là-bas
patiemment tapi tout au fond du cloître
le prêtre de quartier
et ses belles leçons d’éducation
morale et religieuse
Dans l’obscurité de la soutane
sa panse velue d’obscénité
Prier à genou longtemps
Pour son plaisir
écraser très fort
à la rage
de mes petites mains
le va-et-vient
sempiternel
du cierge saint
Puis dans la transe
récolter
au creux de mes lèvres impures
la cire brûlante
et fruitée
de mon Seigneur
Au travers de ma gorge rosée
purifier mon âme maudite
Bénédiction
Prescription
Psaume V
« Brebis enragée est pire que le loup. »
Interminable liane
enserrant ma cheville
Humidité de jungle
au creux du caveau de la Vierge Primordiale
mon purgatoire
de peines bien méritées
Chaque semaine
tisser
une affinité pugnace
avec ces peuplades répudiées
de mygales de blattes et de scolopendres
En fleurir la voûte de ma canopée imaginaire
Devenir
toile de poussière
suceur de moisissure
rampance d’ombre
Et dans la croupitude
intemporelle
de mes captivités
me nourrir peu à peu
de mille et une idées de vengeance
envers les êtres humains moutons indifférents du soupirail
m’abreuver sans fin
de la rancœur insane de mon cœur aride
Patience du chasseur
Douleur érectile
Piégeage et ligature de la prise
insoutenable
Vivisection de la proie
Fulgurance éjaculatoire d’endorphines
Sur les viscères encore tièdes
de nos victimes surprises horrifiées
épandre courroux et orgasme
Peluches rongeurs félins parfois
proies sublimées sanctifiées
nos terrains de jeux
préférés
Notre chapelle de Félicité
Psaume VI
« Quand le taureau donne de la corne, le loup serre ses crocs. »
Comme tous les gosses
les soirs d’orage
s’emmitoufler du plaisir de la peur
se recroqueviller
aux tréfonds des couettes chaudes
de la nuit
Attendre
fébrile
la menace
Voir
un rai sous la porte
Minuter
comme entre l’éclair
et le tonnerre
Entendre
ses bottes dévorant l’escalier
ses cals écrasant la poignée
l’entrebâillement de la terreur
Enfin
Minotaure
Crevaison du ciel
et son déversement de colère
féconde
La grêle profuse de ses poings
ensemençant le désir du mourir
à même l’argile de mon corps
Rafales cinglantes du ceinturon
jusqu’à l’éclatement de la peau
de mes rêves d’enfant
Coulée diluvienne de plaisir
à l’érection de mon sommeil
Apaisé du trop jouir sous ses coups
dans le labyrinthe
de mon esprit pervers
Psaume VII
« L’école nous enseigne: homo homini lupus est. »
L’École
un passage tunnel sans fin
infligé temps contracté
Temple de la violence consacrée
École de l’humiliation sachante
pour poètes désocialisés brisés
Face laide timide et frêle profil de victime
Chaque matin coliques
la bile au ventre
découvrir à nouveau diarrhée
étonné
le sadisme nausées
ingénieux et pur
des enfants normaux vomissement
École aux chiottes crasseuses déversoir
réservoir des sécrétions et des souffrances larvées des boucs émissaires
Et chaque crépuscule dans la solitude d’être
écrire mon histoire
et devenir Loup
Les nuits pourpres
hanter leurs cauchemars
de bêtes de troupeaux affolées
Les posséder les dominer de la griffe et du croc
dans l’humide obscurité
de mon cachot
Etouffer à jamais pelotes d’arantèle
le sordide
au fin fond de leurs bouches fluettes suffocation
Puis comme un fou rire explosion
aux éclats
de leurs quenottes blanches barre de fer
d’enfants gâtés
Vengeance
Mais combien d’années encore
Psaume VIII
« Loup blessé mord encore le couteau qui le saigne. »
Celle-là la jolie
la pure
la douce
parvenir à l’approcher
lui parler
la toucher
Tout partager
La surprendre au petit matin
esseulée à l’arrêt de bus
sous sa capuche rouge
dans la brume blafarde
Comme un soleil levant
embrasant
le décor blanc
de l’hiver
Mon sang qui bouillonne sans fin
prisonnier des corps caverneux nuée de papillons furieux
et mes mains torturées
dans les poches
refermant rageusement
leurs doigts sur la lame des couteaux
Cœurs pourpres
au blue-jean de mes onze ans
Minotaure en embuscade
Au soir même une Vierge endiablée
les aveux une chambre une chaise
de question
Premier amour Première trahison Dernier péché
Disparaître opportunément
du paysage
comme un pestiféré
probablement
englouti
par un de ces ogres de la plaine
les profonds marécages de Somme
Peu recherché
Jamais trouvé
Pas enterré
Jamais pleuré
Tombeau de vase Tombereaux du temps Fosse des oubliés
Psaume IX
« Seul le loup cachant son sang est épargné des autres loups. »
Survivance uligineuse
précarisée
avec pour seule ligne d’horizon le suicide
seule échappatoire seule rédemption
S’immoler avec sa croix
ou plutôt s’en décharner vivant
pour en redescendre
sa dignité d’être Humain
Puis le reniement
la lâcheté
la perversité
l’instinct de survie
une soif de vengeance surtout
Retourner les clous
Rouvrir les mors du piège
S’accrocher à cette vie Retarder l’hallali
même effroyable
même méprisable
comme une tique desséchée
au dos d’un loup galeux et famélique
Vampire affamé
la sucer jusqu’à la dernière goutte de sang
Tenir et forcir bon an mal an Atteindre mes quinze ans
et devenir bon gré mal gré une menace crédible au cœur de mon exil
Une perpétuité
OPIUM
Psaume X
« En plaine, loup toujours regarde vers la forêt »
Les longs soirs d’été
aimer rêver et rôder
aux abords du marais
entre chien et loup
Regarder la brume se dissiper
le ciel mauve s’enétoiler
et la lune blonde
brune
ou
gambader au plus Haut rousse
pleine
comme une brebis de firmament
A quatre pattes
revêtir la peau de la bête
Assoiffé
laper la fraicheur de l’herbe
La truffe affolée flairer
et s’enivrer
des odeurs de terre et de vase mêlées
Affamé
les oreilles pointées
se gaver de la symphonie sucrée
des grillons
et des rainettes
Frissonner soudain
à l’appel sombre et irrépressible
de la forêt
proche
Puis instinctivement
les poils hérissés
les ongles arqués
les pupilles contractées
Se mettre à hurler
Hurler
de plus en plus fort
Hurler
à la mort
Peinture: Yan Pei Ming
Psaume XI
« Seule la faim chasse le loup du bois. »
Comme chacun
cacher
profond
dans la forêt de son âme
un loup noir
tapi aux aguets
conspirant calmement
une attaque une fulgurance
pour larder au couteau votre
morale dans la plus pure
des magnificences
la pleine lune
bleue de
sang
V
Psaume XII
« Fais ami avec le loup, mais garde ta hache prête. »
Temps caniculaire OPIUM
sur la plaine de la Somme
et son dédale de marais
La terre et le ciel comme aimantés
Etau brûlant
exprimant le sel de mes tempes
au travers de mes orbites
Dans le brouillard braconnier ne rien faire
qu’attendre
l’éclaircie préméditée
Minotaure accroupi sur la berge maintenant
les mains vociférant dans les filets piégés d’algues
Être prêt La rage La pierre L’envol d’un héron Un choc
Un cri carmin
Scotome noir
scintillant migraine
au plus laiteux de la brume aura sanglante
Marteau de justice
infligeant sentence et châtiment
au plus brillant de son crâne
Le fracas de toutes mes forces
L’immersion appuyée
La malchance
La glissade
A la renverse Le trauma
du cours de l’histoire La noyade
un galet triomphant
reposé comme un rubis
sur l’écrin limoneux du fleuve
Ce soir là sans jamais la regarder savourer mon retour victorieux
et son reflet
dans la soupe froide
ridé à jamais
d’un subtil frisson de terreur
blanche comme l’intuition de Dieu
Enfin seuls
la Vierge Primordiale
et moi
Unis à présent
dans l’allégeance mutuelle
pour d’irrémédiables années
Refaire surface
mais garder la transparence
de l’eau
A suivre...
Qu'attendez vous pour finir le "Psychose" de la poésie?
Un Thriller d'un nouveau genre...à moins que ce ne soit un nouveau genre de Recueil poétique ...
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