La portabilité qu’une étoile fuyante et un volcan
Le Soleil et la Lune
L’orbe du soleil à la lune rythme la vie
au-dessus de Pré cheyenne
Grand-Esprit-de-Feu renaît chaque jour à l’Est
au creusé blanc horizontal
des rêves
Il grimpe matin dans le ciel du Sud
culmine dans le bleu
puis chauffe au fer rouge la plaine
et tout ce qu’elle a de chlorophylle et de sève
de peaux, de poils et de plumes
de pattes et de carapaces
de luisance et de transparence
d’âmes rampantes, ondulantes, volantes, suffocantes
A la fin du jour, la grande boule de feu épouse la colline
dans le jaune poudroiement de l’Ouest
cardinal de toutes les migrations
de tous les eldorados
et de tous nos massacres
A l’antipode de l’arche funèbre du Nord
Déesse-cendrée, guérisseuse de nos nuits
se lève et dépose sa paume de fraîcheur
sur le front encore brûlant
du pré enfin assoupi
Bleu sang
(l’opération d’un petit cascadeur)
Flot de sang bleu en nappe - COMPRENDRE
Aucune visibilité - VOIR - NE PAS VOIR
Coeur qui palpite
mains qui tremblent
voix qui montent - AGIR
Gaze hémostatique
compresse - TAMPONNER
fils porte-aiguille tractions pinces - FAIRE CONTREPRESSION
et espérer
Plus de tension
plus de saturation
la blancheur de la mort qui emplit tout
le corps et les esprits - SE REPRENDRE
Faire front
Piquer
Perfuser
Remplir
Pousser - DU SANG
du sang VITE
pour conjurer le sort
du sang encore et encore
pour que renaisse l’âme du blessé
des minutes sans fin
De l’autre côté du champ - REGARDER
au ralenti
le ballet
bras
têtes
angoisses
poches
tubulures
Et moi comprimer aspirer - POMPER et RECYCLER
le sang encore
calmer l'hémorragie - DOMPTER le sang
gagner du temps - DU TEMPS
encore un peu de temps
par pitié tout sauf la mort
- IMPLORER
C’est le cœur qui revient en premier
doucement au début
comme le bip-bip des oiseaux dans le feuillage
la tension qui refleurit
comme un printemps timide après l’hibernation des corps
C’est la peau de rose
qui rosit
sous le soleil des scialitiques
et la vie - LA VIE
Et un espoir fou
qui inonde nos coeurs
comme le sang inonde la vie
Parachever
Riveter
Drainer
Suturer
Laver
Panser
Bercer
Réanimer
Et au petit matin
venir cueillir la fleur de la vie sauvée
de la nuit
Sale nègre
A Michel
Ici t’as pas compris qu’on est chez nous
dans les rues du XVIIème
alors laisse pas traîner ta carcasse
ni ta gueule de bois d’ébène
Nous, on rôde dans les rues
dès que la nuit est venue
On tue le temps comme on peut
On cherche juste une aubaine
Et toi t’es là
T’es grand t’es noir
Tu fais ta poufiasse sur le trottoir
Genre tu ne nous vois qu’à peine
Tu ne devrais pas faire comme si
Les flics blancs n’existaient pas
parce que nous dans le noir on ne voit que toi
et je dois avouer que tu nous fais bien monter la haine
Tu vois tu ne respectes rien
même pas les règles sanitaires
Nous voilà déjà sur toi
un gant noir bloquant le pêne
Quelque chose à nous cacher
On s’introduit sans demander
Théo pourrait t’en parler
L’humour gore quoi ça te gêne
Tu ne comprends pas
Tu as peur de nous de moi
Tu nous résistes et du coup tu mérites
tous les coups qui un à un s’enchaînent
Sale nègre
Tu nous prends pour des voyous
nous les officiers du genou
dans tes grosses lèvres qui saignent
Sale nègre
On est là pour la justice
pas la noble, l’expéditrice
La soumission elle t’enseigne
Sale nègre
Tu nous traites de racistes
Mais sur ta vidéo traîtresse et délatrice
on entend rien d’autre que le silence de la mort qui règne
- La peau de la Liberté (hommage à Samuel Paty) -
La peau du cou douce
Où la mère, la fiancée, la femme, l’amante, la compagne
Aura déposé ses espoirs fous, ses baisers, ses mots doux, ses morsures, ses élans
La peau du cou chaude
Ensoleillée et tendre comme une clairière
Avec une cabane où nicher à peine un visage d’enfant,
Un câlin et un fou-rire
La peau rose de lait
Comme elle aurait pu être aussi basanée, noire, de sienne ou ambrée et pourtant
Portant en elle le métissage du genre humain tout entier
Nés ici ou ailleurs
Dans d’autres hémisphères
Par d’autres latitudes
Sous d’autres servitudes
La peau du cou nue
De toute médaille
De tout préjugé, de toute croyance et de ses intolérables intolérances
La peau pure de l’espérance
La peau du cou fine
Et sans défense
Où la main intranquille tenant le rasoir
Devant le miroir ce matin là
Fit la toute première entaille
Mince ridelle écarlate rebelle et prémonitoire
Comme un dernier pied de nez à la destinée
Comme un ultime sursaut vital ouvrant
Le bal de la Liberté
La Liberté de dire
La Liberté de partager
La Liberté de rire et celle de blasphémer
La Liberté d’enseigner aux esprits neufs la Liberté
La Liberté de vivre et aussi celle d’aimer
La Liberté de mourir en être digne et libre
Hurlant à gorge déployée
Que personne n’aura jamais la peau de la Liberté
- Le martin pêcheur - Près de la gare d’eau les
- Le martin pêcheur -
Près de la gare d’eau
les cheveux emmêlés à la frondaison
le vent
vous écoute parler sur ce banc
à l’ombre du châtaignier
de tes problèmes de relation aux autres
Tu verras au-delà du canal
une tâche orange
sur son perchoir de verdure
guettant entre chaque souffle
l’opportunité de foudroyer d’azur
le cœur profond et jaune des nénuphars
aux alevins d’argent
stupéfiés
Crédit photo: Philippe Delafosse
- Le Cap - Comme les poussières du temps au vent
- Le Cap -
Comme les poussières du temps
au vent
de mes souvenirs
volent
vers Maïre
un jour
mes propres cendres
iront au vent
de la Baie des singes
rejoindre Maïre
- Avant la déferlante - Face à la mer d’incurie
- Avant la déferlante -
Face à la mer
d’incurie sur nos yeux pâles
d’angoisse à nos fronts blêmes
il ne nous reste plus
que le confinement mental
Sur la plage in-hospitalière
seul
chacun de nous attend
un coquillage sur le cœur
et la houle au ventre
la grande vague
en espérant
désespérément
s'être trompé
PO (à Christophe Tarkos) PO-É-SIE La poésie
PO
(à Christophe Tarkos)
PO-É-SIE
La poésie révèle
en chacun de nous
l’épiderme sensible
de la vie
Sous ses mains
la peau-de-vie tremble
tout autour
d’émotions pilo-érectiles
PEAU-ET-VIE
Sous la peau de la vie
dort, bat et coulent
la chair, le cœur et les veines
des En-vie
Nous
les vivants
P(R)O-(PH)ÈTE
Le poète prophétise nos vies
peaux d’âme
peaux de chagrin
peaux de tambour
inentendues, inécoutées, inaudibles
sous lesquelles
se contractent, s’impulsent et résonnent
bruyamment
le rouge et le bleu
de nos envies
PEAU-AIME
Sur sa peau
le poète grave son poème
et il nous montre comment
trier le bon grain de l’ivresse
de vivre
PO-È-TE-RIE
Le poète rit aussi
Il rit de tout
il rit de rien
et c’est déjà beaucoup
Il rit de son manque de pot
de sa déveine
de sa pauvre vie
Il s’en fout
lui il vit
à fleur de peau
FLEUR-DE-PO-ÈTE
Le poète
vit
de fleurs de mots
d’amour
et de peau fraîche
Grand-halte à la Source
Dès le petit matin, Jeanne et moi. Ici.
Tout est assourdissant. Les martinets noirs, qui titubent et hurlent dans les ruelles, comme une garnison d’italiens ; la Sorgue, encore grisée par sa nuit qui chavire sous les ponts la ville entre ses bras ; les rossignols carabins qui se disputent en chemin la primauté du tumulte.
Tout est étourdissant. La verdure, prégnante, qui monte en sève fraîche de la rivière chlorophylle comme une transfusion d’algues et de nénuphars à la cime des arbres ; la Nature, puissante, qui partout éjacule, exulte et éventre la terre, vibrante sous mes pieds ; le soleil d’azur, vertigineux, qui pique de la Tour du château de Cavaillon dans les cascades de rochers.
Au bout de ce val clos, on exhume soudain ce silence, étrange comme la mort, incisé seulement par les ailes et les cris de sinistres choucas dépeçant des trous de falaise, et deux arbres décharnés, ancrés au sol aride par des squelettes de racines inhalant la poussière.
Il faut continuer à disséquer plus avant pour voir surgir l’inespéré. Au fond de la noirceur thoracique du gouffre, repose un précieux cœur d’émeraude. Et toute la vie est là, patiente, limpide et belle au creux même de ma sorgue. Et tout ton Amour est là, réel, vert et battant, à même notre Sorgue. Ma résurgence mentholée.
De la Provence à l’Est, j’emporte dans mon carrosse, piégés au toit ouvrant, le souvenir de la chanson bleue des cigales et le parfum de fièvre des deux corps enlacés d’une fleur de lavande et de troène.
Ressourcé de son amour, je remonte à l’essence de ma mission. Chevalier Hospitalier.
Aux tréfonds Il faut être descendu aux tréfonds
Aux tréfonds
Il faut être descendu aux tréfonds de la Tour pour comprendre la pierre, la vocation, la compassion, le sacrifice, la désillusion, l’amer, le sang, la blessure, la fracture, le défi, la souffrance, la finitude, la peur, la solitude, le désespoir, la nuit, l’angoisse, l’insomnie, l’épuisement, la glace, le dévouement, l’iceberg, le noir, le froid, la lame, l’entaille, la chair, l’aiguille, le fil, le feu, la perte de sens, l’absence de repères, le lâcher prise, la déraison, le raptus, le suicide, la carrosserie, le camion, le fossé, l’arbre, l’impact. La mort.
L’eau.
Descendre inéluctablement aux tréfonds de la Tour comme une pierre. Grise. Froide. Funeste. Fugace.
Propulsé entre les icebergs de cet océan de glace. Blanc. Gelé. Aseptisé. Déshumanisé.
Torturé par la masse de la Tour, le sang explosant aux tympans. Carmin. Tiède. Palpitant. Vivant.
Se sentir défaillir. Céder enfin. Espérer dans ses veines le feu. Doré. Brûlant. Apaisant. Irradiant.
Toucher le fond.
S’allonger ou rebondir.
Comme si il était seulement encore possible de choisir la vie.
Psaume VIII - « Loup blessé mord encore le couteau qui le saigne. »
(Extrait de la Vierge au Loup - Aethalides 2019)
Celle-là la jolie
la pure
la douce
parvenir à l’approcher
lui parler
la toucher
Tout partager
La surprendre au petit matin
esseulée à l’arrêt de bus
sous sa capuche rouge
dans la brume blafarde
Comme un soleil levant
embrasant
le décor blanc
de l’hiver
Mon sang qui bouillonne sans fin
prisonnier des corps caverneux nuée de papillons furieux
et mes mains torturées
dans les poches
refermant rageusement
leurs doigts sur la lame des couteaux
Cœurs pourpres
au blue-jean de mes onze ans Minotaure en embuscade
Au soir même une Vierge endiablée
les aveux une chambre une chaise
de question
Premier amour Première trahison Dernier péché
Disparaître opportunément
du paysage
comme un pestiféré
probablement
englouti
par un de ces ogres de la plaine
les profonds marécages de Somme
Peu recherché
Jamais trouvé
Pas enterré
Jamais pleuré
Tombeau de vase Tombereaux du temps Fosse des oubliés
L’homme et l’enfant
Ils voulaient rejoindre loin là-bas
une autre rive
celle d’un Eldorado
pour elle
sa fillette
Alors il la prise sous son aile
un tee-shirt
de simple Mexicanos
qu’il est
qu’ils étaient
Ils se sont lancés
courageux
au travers
du courant boueux
Surtout ne pas
la perdre
la fluette au flot du fleuve
Nager et nager
encore
et encore
Ne pas la laisser
glisser
ne pas flancher
ne pas sombrer
ne pas
Puis
arrimés à la bouée
percée
de leur désespoir
puis
repoussés vers les eaux profondes
par les chiens haineux
des gardes frontières
épuisés par leur sort
ils ont finis par partir
ensemble à jamais
Ils ne se sont jamais perdus
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Pour chaque réfugié
noyé
au flux et au reflux
des eaux troubles
de notre pauvre Monde
c’est aussi un peu de notre humanité
qui va
Il y a tellement de mois en moi, mon Amour, qu’il
Il y a tellement de mois en moi,
mon Amour,
qu’il te faudrait plusieurs milliers d’années
pour découvrir toutes les facettes
de mon âme, de mon corps
et de mon sexprit…
Chasseuse chassée le futile destin de
Chasseuse
chassée
le futile destin
de l’araignée.