Le vent dans les arbres 📚
Au-delà de la présentation apparemment simple des choses visibles, ce recueil tente de dénouer les liens complexes qui associent le vent, les arbres, les oiseaux et les êtres humains et qui, au fil des saisons qui passent, racontent, si l’on prend la peine de les interpréter, quelque chose de nos racines, de nos croissances, de nos transformations, de nos errances et de nos finitudes.
Vents d’automne
Brune feuille séchée
le vent éparpille
le chant de l’automne
Que le vent se lève
et les oiseaux se taisent
et se figent sur le chant
chœur suspendu
à l’infinie portée du branchage
Retiens ton souffle
Que les oiseaux chantent
et le vent s’apaise
et écoute en sourdine
amoureux transi niché
au cœur roux du feuillage
Retiens l’automne
***
Va dans la forêt du Lubéron
LÃ -haut
sur le plateau
tu rencontreras des cèdres immenses
qui hurlent
au Vent sombre
Certains jours d’automne
ces cochers hystériques
fouettent et carrossent
par dessus les sentiers
le ciel d’orage
Dans la noirceur du sous-bois
un rouge-gorge
***
Peu avant l’orage
le Joran pulse
au travers des frênes jaunis
sème des vortex
invisibles et éphémères
dans lesquels s’engouffrent
en tourbillonnant les yeux fermés
les lourds pigeons ramiers
Seras-tu capable
d’autant d’audace et de fulgurance
pour rejoindre une autre dimension de l’espace
de ton jardin
***
A l’envers du ciel laiteux
troué de bleu
monte soudain la houle noire
du front d’orage
Horizon clair mer retournée
Les oiseaux se hâtent de plier leurs voiles
Tout redeviendra calme
juste avant que le vent ne s‘emballe
en un vaste et ample tourbillon
entrelaçant les mâts le long du ruisseau
Tu entendras alors
grincer les amarrages et les bois frottés
vibrer les cordages dans la ramée
et la complainte des tourterelles
quand la pluie soudain martèle
n’y pourra plus rien changer
***
Au faîte des grands charmes
la houle du Vent d’autan
roule s’enroule puis coule
dans son lit de feuilles brunes
pour rejaillir
lascive
en un frottement de draps et d’écume
à l’autre bout de la frondaison
un envol de tourterelles
Alors
se plantera droit
face à toi le désir
du corps de l’aimante
qui ondule plus avant sur la sente
Retiens la sève aux veines
des grands troncs
érigés
***
A la tombée du soir
perdu en forêt
quand l’effraie se mettra à chuinter
tu chercheras sans doute
à reconnaître un sens
au danger
Vois ces grands arbres
déracinés allongés
lÃ
garnison abattue par la rafale
sous la chevauchée de la dernière tempête
meurtrière
Fuis
à l’amble
opposé
***
Au soleil sous la pluie
dans le bleu par le gris
des semaines
que le ciel s’époumone
dans les cimes
Ils
se lasseront vite
de la gêne et du bruit
de la fraicheur
et de la folie revenues
Comme les oiseaux dans les arbres
le poème dans le vent
continue
de puiser sa matière vitale
il s’y niche comme on prend racine
il s’y multiplie comme on se ramifie
puis avec la patience des choses simples
il finit par s’éployer
A l’ombre
de son ombre
tu survis
***
Quand le vent gonflera
et caressera à rebrousse-poil
les sapins blancs
encore verts de leurs rameaux
aussi épais que des pattes de chat sylvestre
tu sentiras la frondaison
ondoyer
tressaillir s’ébouriffer
puis feuler
sous la couverture de l’orage
Laisse faire le sauvage
Sauve toi avec les oiseaux
A l’arrière du ciel de traîne
panse les écorces
balafrées
de saignées de résine
orange
sanguine