DIALOGUE (EXISTENCE)
ADULTESSENCE
Un adulte
Enfermement
By myself - Linkin Park : Hybrid theory (2002)
Prisonnier intérieur
Sol, murs et plafond :
De son âme noire,
Les bas-fonds.
Seul, mort, abandon :
Sons de sa mémoire,
Les chardons.
Hors de son esprit, content,
Son fol espoir
L’attend.
Pris dans l’infini du temps,
Son désespoir
Latent.
Sa vie de cire, goutte-à-goutte,
S’écoule
En pâles croûtes
Où se cristallise le doute.
S’écroule
Sa clé de voûte.
La peur instille alors,
Dans la prison
De son corps,
Un silence de mort,
Âpre poison
Qui le tord.
2017
Icare
Mon esprit perdu,
De mon âme labyrinthe,
Tente de s’enfuir
La palette des solitudes
Outside (Studio) – Staind : Break the cycle (2001)
Les gens de couleur
Les gens normaux ne crèvent pas les cœurs familiaux aux agonies rosées du jour. Deux désirs, jaunes et tremblants, les escortent aux lucarnes éclairées de l’amour.
Les gens normaux ne s’attablent pas à l’autel blanchâtre de leur soir monacal mais boivent puis s’esclaffent, à s’en égorger, aux coupes rouges des terrasses amicales.
Les gens normaux ne régurgitent pas sans fin la bile et les sucs de leur marronnage effroyable. Leur ventre clair est baigné de rêves argentés et de projets incroyables.
Les gens normaux ne craignent pas le ciel gris orageux qui accompagne leur survie. Ils passent le bleu clair de leur temps à se réjouir béatement de leur improbable vie.
Les gens normaux ne naviguent jamais à rebours du cours terne de l’Existence. Ils se laissent bercer par le fleuve violet de leur Destinée sans la moindre résistance.
Les gens normaux ne vivent pas à l’ombre des autres comparses du grand jeu. Ils rayonnent de centaines de connections indigo à d’autres âmes fascinées par l’enjeu.
Les gens normaux ne réservent pas de sombres surprises à leur maudit entourage. Ils sont à la hauteur des attentes dorées placées en eux depuis le plus jeune âge.
Les gens normaux n’écoulent pas le sable noir de leurs jours de manière illogique. Ils respectent scrupuleusement la ponctualité verte de leur belle horloge biologique.
Les gens normaux ne gravent pas de poèmes vermeils sur le visage fou de minuit. Ils s’éteignent dans la chaleur orange du soleil au fin fond des couettes de la nuit.
Les gens normaux n’alimenteront jamais les araignées brunes guettant à leur porte, heureuses. Ils nourrissent une blanche horreur pour toutes les bestioles duveteuses.
Les gens normaux ne pleurent pas une seconde de leur sang froid pour des choses insignifiantes. Ils forgent le monde de la masse pourpre de leurs pensées lénifiantes.
Les gens normaux ne ressentent pas la noyade au gouffre béant marine de l’univers. Leur esprit nage au blond courant d’air sidéral et met les aurores boréales à l’envers.
Les gens jaunes, rouges, bleus, violets, indigo, verts, oranges, pourpres
Les gens argentés, les gens dorés, les gens blancs ou blonds,
Les gens normaux dans l’arc-en-ciel multicolore…
Combien sont passés à côté de mon âme phosphorescente sans la voir vraiment,
Comme l’hologramme transparent de moi-même immolé dans son noir firmament.
Combien n’ont pas pris la peine d’écarter le feuillage brun et sombre de ma nuit,
Pour découvrir les reflets rosés, blanchâtres ou bleutés de la tendre étoile qui y luit,
Avec ses tombereaux désespérés
De poésie, d’amour éperdu, d’amitié pure, d’invincible fidélité,
Offerts aux rayons de lune, au vent solaire et à la voie lactée
Puis, versés au cercueil du néant.
2017
L’arc-en-ciel des pirates
Sang douleur goudron
Suie l’Outre-tombe outre-mer
Un trésor doré
Quarante troisième rugissant
Ode to my family – The cranberries : No need to argue (1994)
Dans le magasin de porcelaine
Rouleuse
Virée
Houleuse
Arrivée
Se revoir
S’égayer
Recevoir
Et payer
Spéciale
Distraction
Spatiale
Contraction
Bruyante
Invasion
Fuyante
Evasion
Démocratique
Protension
Dogmatique
Propension
Impudente
Démonstration
Imprudente
Confrontation
Susceptible
Fonctionnement
Indéfectible
Dysfonctionnement
Généreuses
Intentions
Onéreuse
Surtension
Proposer
Soutenir
Disposer
Retenir
Tendresse
Attention
Maladresses
Inattentions
Eprendre
Aimer
Reprendre
Désaimer
Sévir
Plier
Punir
Lier
Objet
Des amours
Sujet
Désamour
Aranéeuse
Mère-fusion
Nauséeuse
Perfusion
Parentale
Incompréhension
Filiale
Répréhension
Ténébreuse
Attraction
Coléreuse
Réaction
S’excuser
Punition
Culpabiliser
Détention
Affective
Dissension
Effective
Distension
Présence
Sans concession
Absence
Sans confession
…
Donner
Accepter
Pardonner
Sans compter
2017
Félix
Un chien attachant,
Comme eux, aboyant fidèle.
Amour attachiant.
L’épeire diadème
Fortuna Imperatrix Mundi: O Fortuna - Carl Orff: Carmina Burana
Au chevet de Notre-Dame (à la Bonne Mère)
Accouchée par un vent démiurge et reniée,
Là. Corps proéminent au devant de la scène,
Las. Grise éminence, sur un divan de Seine,
Cachée d'un paravent du jugement dernier.
Elle sieste d'un œil, les sept autres formant,
Autour de l’encéphale, un couronnement noir
De vautours du Wesphal trônant sur leur manoir.
Belle funeste, au seuil du transept, s’endormant.
Épeire cathédrale à l'abdonef empli
Des tailleurs condamnés à leur vie de poussière
Et leurs maçons damnés parmi les pluies de pierres.
Un enfer diadémal dominé par l'oubli.
Au détour, on la voit, l'aranéide stèle,
Au cœur de la Cité, respirant de son orgue.
Son chœur surexcité, espérant jour de morgue,
Fait des tours et trembloie en sa vide arantèle.
Araignée porte-croix, aux pattes arcboutées,
Roses oculaires projetées vers son antre,
Grosses chélicères crochetées vers son ventre.
Reines, rois, culs-de-jatte, elle a maraboutés,
Roulés dans sa toile tissée de soie christique,
Percés jusqu'à leur foi - temps de liquéfaction -
Sucés un à la fois - avant putréfaction -
Puis ourlés d'un voile lissé de suc gastrique.
Au centre du réseau, point d'afflux des touristes,
Elle tend, patiente, un piège aux bateaux-mouches
Et pend confiante un cierge à ces béates bouches :
Au tendre de leurs os, point d'effluves baptistes.
Leur viande, jusqu’au foie, gavée de chrétienté,
Elle la stocke au calme en ses chapelles froides
Et estoque leur âme entre deux missels roides,
Friande de ces proies givrées de sainteté.
Gargouilles pilleuses hérissées sur son corps,
Son toit, sa façade vibrant aux alentours,
On voit à la mansarde, ivre en haut de la tour,
La bouille du gibbeux hissée au son des morts.
Et toutes les cloches et les bourdons qui sonnent,
Rameutent les manants, par route, en la bestiale.
Emeute permanente encroûtant l’abbatiale
De doutes, reproches et pardons qui résonnent.
Parvis du point zéro, parchemin de dentelle.
Elle fanfarde en fait, sans que nous comprenions,
Une blafarde fête au sang des Compagnons,
Ravie des fins héros des chemins d’arantèle.
2017
Point de rosée
Seules sont les larmes
Des insectes dans la toile
Au petit matin.
Seule & Solitaire
Sexe - Saez – God blesse : (2002)
Chevauchée printanière
Ici,
Mille feuilles bruissent
Dans les arbres rouillés
Et les grillons jouissent
Sur les herbes souillées.
Puis,
Le carillon tinte
Au vent tiède du soir
Et l’écran bleu feinte
Un dernier au revoir.
Là-bas,
Ton lit bai se plisse.
Tu t’es agenouillée
Sur l’élan qui glisse
En ta rose mouillée.
Alors,
Galope l’étreinte
Dont tu presses l’espoir,
Qui cabre et t’éreinte.
Eclair blanc dans le noir !
2016
Jacuzzi d’extérieur
Un vent tiède souffle.
Turgescence dans les bulles.
Plaisir solitaire.
Communication moderne
Nightcall - Kavinsky: OutRun (2013)
SOS du SMS
L’ « s » aime l’« s ».
L’ « s » : Ô « s » !
Laisse, el’ m’ laisse !
L’ « s » home-less.
L’ « s » meurt seul.
Sang au Sol…
2017
Hiéroscopie
L’écran bleu s’éclaire.
Dans ses entrailles résonne
Un mauvais présage.
Libertés et souillures
Regardez les filles pleurer (thème) – Saez : J’accuse (2010)
Le saccageur
Viens là, ma chère épouse !
Avec ta belle audace
Aux beaux yeux d’Andalouse
Et aux p’tits airs tenaces !
Tu l’aimes encor beaucoup ?
Méfie-toi qu’au clair de lune,
Le loup ne te morde au cou !
Il aime y manger les brunes,
Celles à la chair blanche écrue
Parcourue de veines bleutés,
Qu’il dilacère toutes crues
Pour en drainer toute beauté.
Enfant nu sous le bel astre pâle,
Il se baigne dans leur sang tiédi
Tandis que de leurs deux trous d’opale,
Elles mirent la voûte verdie.
Alors, à l’incantation du pentacle,
Là, sous les frêles étoiles jaunies,
Se perpétue l’impossible miracle :
Soudain, l’immonde bête rajeunit.
Dans la clairière cernée d’un anneau noir,
Le monstre, de leur fine peau revêtu,
Parade et danse puis retourne au manoir
Pour y cuisiner leur petit cœur têtu.
Le silence glisse dans la forêt des mortes.
Sous la douce clarté de la belle Vénus,
Elles sont allongées. De gros vers vont et sortent,
De leurs corps dévastés, de la bouche à l’anus.
2017
Promenade inconsciente
Dans sa forêt d’âme,
Chacun a un loup qui guette
A la pleine lune.
Libre, une nuit
Tree of life – Yodelice : Tree of life (2009)
A l’orée de ma vie
Ce soir,
Chaperon, je vais dans ce bois
Qui vit et languit juste en bas
De l’endroit où tu fis ton toit.
Loin dans la nuit, un chien aboie.
Du haut de la butte en émoi,
On aperçoit en contrebas
Un feu d’adolescentes joies
Qui fume l’herbe puis flamboie.
Les rois, les rois, les rois !
Ce soir,
A l’orée de ce triste bois,
La brume de mauvais aloi
Me dit que tu n’es pas chez toi.
Tu es enfin dans d’autres draps,
Ici, bientôt, j’en ai la foi,
Serrée, c’est sûr, par d’autres bras
Portés par un autre que moi.
Je crois, je crois, je crois…
Ce soir,
A la lisière de ce bois,
Un loup te guettait aux abois.
Dans ce beau ciel d’été, je vois
Le soleil indolent qui ploie
Ses ailes bleues dessous les draps
Que la lune aimante déploie.
Puis elle me prend dans ses bras
Et fait renaître un autre moi,
Sur le plateau là-bas, là-bas.
Ce soir,
En face de ce gentil bois,
Je me sens libre cette fois
Et mon cœur, seul, dévalera
Par la colline étalée là,
Comme un pancake au chocolat
Que la nuit noire avalera.
Mes chers grillons, chantonnez moi,
Un air sucré, tout bas, tout bas !
2017
Nocturne
Le soir libéré,
Par la colline illunée,
Fredonne l’été.
Les divorcés
Je ne t'aime plus - Manu Chao : Clandestino: Esperando la ultima ola...(1998)
Les couples attablés
Au nom du père, du fils et du sac Esprit.
Triptyque où l'homme est de côté,
Le petit face à sa mère en décolleté,
Son mari à un sac surpris.
Une table ne pouvant avoir d'enfants
Couine telle une roue mal graissée,
Pendant tout le repas oppressée
Par son chihuahua triomphant.
Deux snobs n’ayant plus rien à se dire,
Portant des origines l’amour en deuil,
Se dévisagent du coin de l’œil
Dans le reflet des pages et de la mire.
Un jeune couple bien trop affairé
S’oublie d’extase en leur bébé
Qui les nargue la bouche bée
En catapultant doudou préféré.
Entre un essaim noir de smartphones
A la vibrionnance insupportable.
Les écrans bleus passent à table.
Toute la ruche devient aphone.
Une famille de gais prolétaires,
Qui mange son argent mensuel,
Reprend des frites à la truelle
En braillant au lieu de se taire.
Dans leur retraite, deux vieux amants,
Qui ne s’aiment que de loin en loin,
Restent accolés là dans leur coin,
Comme une paire de vieux aimants.
Et moi, qui ne nous aimons plus
Je dîne avec mes deux invités
Ma solitude et ma culpabilité,
Vieilles compagnes jamais repues.
2017
Notaires, Avocats & Cie
Vautours charognards
Sur la carcasse encor tiède
De ce bel amour.
L’espace-temps
Unis vers l’uni - Michel Jonasz : Unis vers l’uni (1985)
Hubble et le trou noir.
J'étais là, l’intrus,
Patient,
Brûlant,
À l'ombre de ta vue.
Ton âme seule.
Originel
Regard de ton regard,
Révélant aujourd'hui,
La souffrance indicible
De ma survie.
Je suis ici la cible,
Maintenant.
Vibrionnant,
Aspiré par tes cils.
Ton âme sœur.
Fidèle
Miroir de ton miroir,
Reflétant à l'infini,
L'univers des possibles
De nos deux vies.
Je serai là, l’écueil,
Amant
Latent,
Au creux de ton œil.
Ton âme sombre.
Éternel
Espoir de ton espoir,
Résonnant dans ton esprit
Comme l'écho inaudible
De ton envie.
Depuis toujours en toi,
Permanent en toi,
À jamais en toi,
Pour la nuit des temps.
2017
La théorie d’Einstein
La séparation:
Relativité restreinte
Appliquée aux êtres.
Le pécheur
Merry Christmas Mr. Lawrence (waves version) - Riuchi Sakamoto : Furyo (1983)
Villeneuve-lès-Maguelone
Une lèvre de terre humide,
Une pointe de lande aride,
Sans plaisir. Paradis perdu,
Où les âmes nues,
Coupables amantes,
Serpentent,
Piégées ,
Entre étang et marées .
Au nom du jour, de l'ombre et de la nuit,
Eperdument épris,
Passionné,
Projeté
Vers l'onde insondable,
Sensuelle et insatiable,
Un fil d'argent météore
Cherche sa belle aux sourcils d'or.
Soleil d'été,
Lune étoilée
Dansent et se télescopent
Dans le kaléidoscope
Des planètes.
Quiétude honnête,
Bonheur d’un soir
D’un pêcheur d’espoir.
2016
La dorade royale
La reine argentée
De la Méditerranée.
Quête de l’été !
La vallée des LiØns
Life (Adouna) - Youssou N’Dour : Guide (1994)
Les Fauves
Herbes sombres. Ciel de plomb.
Pas sourds,
Bruissements,
Vrombissements
Puis silence autour.
Heures blondes en surplomb.
Âmes noires. Statues d'Afrique,
Soudées depuis toujours,
L'une contre l'autre érigées,
Apparemment figées,
Spectrales en contre jour.
Même regard sur la plaine statique.
Mêmes corps, mêmes cicatrices
Témoins des mêmes combats
D'une même survie.
Unis pour la vie.
La savane, en contrebas,
Mène leur sort, manipulatrice.
Flanc contre flanc. Chaleur ocre.
Pulsations synchrones.
Elle, feulements.
Lui, effleurements.
Respirations monotones.
Amants brûlés à blanc. Faim d'ogre.
Ensemble, demain, ils descendront.
2017
Si tu savais comme il t’aime
Et t’a toujours aimée
Lionne…
Range donc ces griffes
De la colère,
De la souffrance,
De l’absence,
De l’angoisse,
De la fatigue
D’attendre,
Le temps fut long et aride,
Ô plus belle…
Mais il est là à tes pieds
Regarde ce Lion,
Tête baissée,
Dos balafré,
Les pattes ensanglantées
Par les sables, les graviers et les pierres
De la trop longue route pour venir
Enfin à toi,
Au travers des plaines et des vallées,
Des déserts et des savanes,
Des embuscades des hommes…
Ce chemin vivant et acerbe
N’avait de sens
Que pour toi,
Qu’avec toi,
Car ton image tremblait
Sans cesse
Comme un guide céleste
Aux bouts de ses routes
Dans la fournaise des étés,
Dans le miroir des nuits d’hiver,
Dans les fleurs neuves des printemps,
Dans les feuilles mortes des automnes.
Et regarde le,
Epuisé, chancelant,
Mais toujours debout
Et las, à ton côté,
Comme un gros félin harassé,
Regarde dans ces yeux
Brûler la même braise,
Ocre,
Qui te fit chavirer
A l’ancien solstice,
Et pose ta main, encore
Sur ce front brûlant,
Et sens sa chaleur
Sauvage et douce
Te remplir.
2018
Notre savane
Creuset de survie
Chasseurs chassés - morts vivants
L’été sans l’Afrique
Les départs
Valse #3 In A Minor, Op. 34/2, "Grande Valse Brillante" : Chopin (N Magaloff)
La séparation
Il n’y a plus rien, que toi mon amour
Et moi qui retiens les pleurs en tes yeux
Puis qui entretiens l’illusion autour.
La valse ogresse de nos deux regards,
Qui tourne sans cesse en cercles furieux,
Brise et disperse ces témoins hagards.
Nos cœurs fragiles, dans leurs fines mains,
Pressent, fébriles jusqu’aux adieux,
L’hydre intranquille de nos lendemains.
Organes défunts coupés de leur hôte,
Ils prieront sans fin ce jour radieux
Où seront enfin greffés sous ses côtes.
2017
Sur le quai
Des amants transis
Les yeux rougeoyants du train
L’hiver dans les cœurs
Les amoureux
Lovesong - The Cure : Disintegration (Remastered) (1989)
La règle de trois
Chaque aube sur mes lèvres,
Ton sein qui se lève.
Chaque jour dans ma chair,
Ton cœur qui m’éclaire.
Chaque soir sur ta bouche,
Ma peau qui se couche.
Chaque nuit dans le tien,
Mon corps qui s’éteint.
Chaque jour,
Mon Amour,
Pour toujours.
2017
On s’aime.
Ni ports, ni barrages,
N’arrêtent les eaux sauvages,
Du fleuve à la mer.
Les paysages de la séparation
Cézanne peint – M Berger (France Gall) : Débranche (1984)
Aix – Besançon
Au Sud, la Sainte-Victoire
Est un tremplin argenté
D’où, dans un élan bleuté,
Il voit s’envoler l’espoir :
Par le ciel mélancolique et les à-pics impérieux,
Par la plaine bucolique et les nuages furieux.
Il sent autour de la gare,
Sur les portées caténaires,
Se déposer quelques airs
Itinérants qui s’égarent:
Pour le baiser salutaire ou les belles retrouvailles,
Pour son départ solitaire ou les adieux en pagaille.
Il poursuit la rhapsodie
Qui s’étire entre leurs cœurs
Et berce les lignes sœurs
D’une étrange mélodie:
Par la Durance - galets et méandres oubliés,
Par la Provence - genêts et lavandes par milliers.
Au Nord, se perd leur refrain
Dans les forêts conifères
D’où la bise vocifère
Comme un loup au cri des freins:
Pour repousser l’arrivée où son absence l’assèche,
Pour cette plaie ravivée où l’abandon saigne et sèche.
2017
La Sainte-Victoire
Bleu, vert, blanc et ocre.
La montagne obsessionnelle
Vibrante un été.
L’hôtel du poète
Fièvre résurrectionnelle - H-F Thiéfaine : Suppléments de mensonge (2011)
Mon amour attendait, là.
Je me souviens très bien de la première fois
Que mon amour te vit, il perdit son sang froid.
Deux fossettes de joie encadraient ton sourire
Qui explosait soudain dans un violent fou rire.
Mon ouïe obnubilée par tes éclats sonores,
Ma vue hypnotisée par ton vol météore,
Toi, tu me capturais, moi cheval alezan,
Belle amazone brune au dos de mes onze ans.
Dompté, parqué tout seul au milieu de la cour,
Mon amour attendait qu’enfin vers lui tu coures.
Je me souviens même de la première fois
Que mon amour vola au loin, sans toutefois
Oublier dans cette île, aux odeurs de l’exil,
Les parfums de toi et les arômes subtils
Des rêves enivrants bus au creux de ta nuque.
Et de ta langue, douce au supplicier eunuque,
Bonbon goût de fraise chipé dans les couloirs,
Il conservait l’extase ôtée à ton vouloir.
Ces souvenirs prégnants le gardant en haleine,
Mon amour attendait qu’enfin tu le reprennes.
Je me souviens toujours de la première fois
Que mon amour sourit, avant de perdre foi,
De te revoir si belle et brune à en mourir,
Tels ces pics créoles chers à mon souvenir
Puis de réaliser qu’il n’avait plus sa place :
Quelqu’un l’avait volée sans en laisser la trace.
En échange trônait cette tendre amitié,
Imputrescible idée, cavant d’inimitié
La grotte où il s’était retranché, solitaire.
Mon amour attendait qu’enfin tu le déterres.
Je me souviens encor de la première fois
Que mon amour ému, un jour, comme autrefois,
Dans la foule indigo, vint à te reconnaître
Et de braise exhumée, à lui même renaître.
A la fontaine d’où le poète saigna,
Venu se ressourcer, en toi il se baigna :
Rivière mentholée, algueuse chevelure,
Résurgence sucrée apaisant sa brûlure.
Remariant la falaise à son âme frivole,
Mon amour attendait de prendre son envol.
Je me souviens aussi de la première fois
Que mon amour te fuit comme un vil palefroi.
Il te désarçonna aux steppes de l’hiver
Pour dissoudre, à lui seul, le cours de sa rivière
Figée dans la glace des rancœurs ressassées.
Frappé par la bise mauvaise du passé,
Il remonta, en bête obstinée, à la source
Délivrer sa lumière, à la fête de l’ours.
Tout au bout de la voûte où croisaient nos errances,
Mon amour attendait une deuxième chance.
Je me souviens enfin de ces dernières fois
Où mon amour reçu ces décharges d’effroi,
Tout droit lancées du fond de l’étrange prison
Aux murs capitonnés d’angoisse et déraison.
Dérobé à ta vue par un miroir sans teint,
Alors qu’il crie, hurle, cogne comme un pantin,
Tu déplores sans fin, à genoux son absence,
Lui qui, tout implorant, s’éteint dans ton silence.
Là, dans la camisole où sombre sa folie,
Mon amour attendait qu’enfin tu croies en lui.
2017
La fontaine d’Hypnos
Ô ma résurgence !
Sors mon amour au grand jour!
Mets fin à sa sorgue !
Le félin
Le petit chat est mort – Renaud : À la Belle de Mai (1994)
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Le petit chat noir
De la cuisine au rideau,
En glissade sur le dos
Au dessous du canapé
Puis à mon blue-jean râpé,
Ce petit chat noir m’agace.
Il file et s’enfuit, fugace,
Tel un fieffé escogriffe
Qui ressurgit par ses griffes.
Il répugne à la caresse,
Si ce n’est sur sa maîtresse
Et n’est jamais fatigué
De son errance aux aguets.
Des abandons du jeune âge,
Il garde ces peurs sauvages
Qui vibrionnent encore
Dans chaque poil de son corps.
Je suis ce chat intranquille,
Là, dans l’angoisse infantile
Qui ne sait trouver le calme
Qu’à l’ombre bleue de tes palmes.
Deux tendresses sous le vent
Qui le bercent bien souvent
En découpant la lumière,
D’une si tendre manière,
Que ce doux rituel d’enfance
Vient à vaincre sa méfiance.
Lové sur toi, il s’endort,
Pesant comme un lion d’or.
2017
La part du roi
Le lion qui dort,
Au creuset de tes bras d’or,
Festoie de ton corps.
Les visages de la séparation
Duel in the mirror-cabinet - Ennio Morricone: My name Is nobody (1973)
Ton nouveau poème.
Que la lumière grise du couchant après ta promenade du dimanche.
Qu’une fatigue de ta terrasse harmonica où n’entre que le vent de Chopin.
Qu’un tintement sur les vitres dans le carillon de ta chambre.
Que deux trains insomniaques sur le froissement de tes draps.
Qu’un grésillement glauquedans le verre infidèle deta lampe.
Que ton café, ton casque, les pages à travers tes lunettes pliées.
Que le goût crawlé de la vague de sueur après ton repas volé.
Que la petite aiguille glissant le long de ton kilomètre de dos.
Qu’est-on
Au fond de ton miroir ?
Qu’une goutte de buée ;
Au fond de ton jardindélaissé et anxieux ?
Que ton insectetournoyant ;
Pas plus qu’une poussière,
Qu’unton blessé montrevraiment.
2018
Mots à maux
Un reflet lifté
Sur le cours de nos angoisses :
Miroir déformant
Ode à la mélancolie.
Prelude #22 In G Minor, Op. 28/22 - Chopin (G Ohlsson)
Le cycle
Tu l’appelles de tes vœux.
Tu l’incantes de tes yeux.
Il paraît, chaos furieux,
Bercé par des flots houleux.
Tu en rouvres le noir gouffre
Pour éprouver que tu souffres.
Avant que tu ne t’étouffes,
Tu espères dans un souffle,
Encore une fois prouver
Que l’Amour saura braver
L’abysse pour te sauver.
2017
Chopin.
Triste air de piano
Crépitement sous la peau
Automne solo
Les paradis perdus
Love is a losing game - Amy Winehouse: Back to Black (2007)
Mon Atlantide
Ô mon île malmenée
Aux cyclones de mes peurs,
Ma palme douce infinie,
Mon oasis de langueur,
Mon ombre et ma poésie,
Ma fraicheur au front brûlé.
Ô ma plage abandonnée
Au ressac de mes errances,
Mon grain d’humour katana,
Mon beau soleil de l’enfance,
Mon aurore ikebana,
Ma résurrection sablée.
Ô ma forêt pardonnée,
Ma fougère arborescente,
Ma canopée de souffrance,
Ma liane incandescente,
Ma muraille en hautes branches,
Ma voie verte et esseulée.
Ô ma falaise d’apnée,
Mon alizé mascareigne,
Mon appel océanique,
Mon abyssale sirène,
Mon bel écho pélagique,
Mon paille-en-queue envolé.
Ô ma lave exsanguinée,
Séchée au Temps spadassin
Qui nous fit nous reconnaître
Et comme un vil fantassin,
Nous saigna en kilomètres.
- Notre Amour coagulé -
2018
Mon archipel joyeux
Eclats de soleil
Aux cymbales des tympans
Chaleur des fous rires
Palingénésie
Bowels – I Murdered: Sins and Confessions (2017)
Cathyarsis
Avec ces mêmes mains,
Celles qui te sont chères
Mais qui te font défiance,
J’arracherai demain,
Ce qui mange mes chairs
Sous ce masque d’enfance.
Puis sous ton regard clair,
Je fendrai ces entrailles
Afin de mettre à l’air
Ma grouille de souffrances,
Toute cette tripaille
Percée par l’abandon
Suintant un jus amer
Couleur de céladon,
Exhalant l’odeur rance
Des pires bords de mer.
Comme un vil otaku
Renouant à la transe
Fétichiste de mère,
Je la verrai sécher
Au soleil du grand jour
Et dans le seppuku
De notre prime amour,
Œdipe ira chercher
Aux tréfonds de ses anses
Le pardon de son père.
Puis avec tes pétales
De rose du désert,
Je soignerai ma panse
Evidée de son mal,
Je la saupoudrerai
De poussières d’étoile
Et je la recoudrai
Avec un fil à voile.
Nous la regonflerons
Au vent de mon enfance
Puis nous nous en irons
Tout autour de la terre.
2018
Le Cap
Les tripes du temps,
Au vent de la Baie des singes,
Voguent vers Maïre.