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Le poeme de Lorenzaccio
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Le poeme de Lorenzaccio
23 décembre 2019

La Tour

Informe architecturale, elle trône tel une diva sous sa peau criblée par le vitriol des ans. Neuf bourrelets de souffrance seyant sur un fondement au sous-sol tremblant.

Dans ses entrailles grises ou colorées, presque désamiantées, des trachées artères pompent de leurs plèvres encrassées cet air retraité, qu’elles exsufflent par leurs gueules grillagées.

Des veines translucides ramènent, par pulsations rythmées, les capsules de sang étiquetées vers le cœur du laboratoire de la méga cité.

Des barges, poussées par des cygnes bleus, portent les malades et glissent au flux péristaltique des canaux hospitaliers. A la poupe, des gondoliers asservis les guident hypnotisés par leur tablette connectée.

Sur les berges escarpées, on observe la ronde perpétuelle des spectres d’humanité - rose morose, verte de rage, blanche de saignée - qui filent au rythme des machines à pointer. Âmes garrotées puis vidées de leur vocation, encloîtrées entre leur vœu d’Hospitalité et la boulimie de la bête à rentabilité.

Pourtant, aux parois de ses boyaux sombres, on voit encore flamboyer quelques  torches de générosité. En ombres chinoises, donneurs et greffés, main dans la main, échangent leurs amitiés, dans une dernière valse de fraternité.

Ainsi, sous les emblèmes d’Eros et Thanatos réunis, la Tour domine tout : ses saigneurs et ses serfs, ses remparts et ses tourelles. De Planoise en contrebas, toute une volée de passerelles rampe sur son pas.

Les cheminées d’évacuation et les feux sentinelles fument au toit. Aux alentours, les odeurs de chair humaine se mêlent à celles du bois.

Et au crépuscule, le vol immobile d’une crécerelle sonne le glas.

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